Le 19 juin 2025, le Sénat a adopté à l’unanimité la proposition de loi sur la profession d’infirmier, marquant une réforme historique pour les 640 000 infirmiers en France. Cette loi, née d’un accord presque unanime et de plusieurs mois de discussions parlementaires, modernise profondément le cadre juridique, élargit les missions, et inaugure de nouvelles prérogatives cliniques et professionnelles. Le 27 juin promulgation officielle de la loi et publication au Journal officiel le 28 juin 2025.
Jusqu’alors régi par un décret de 2004, le cadre législatif ne reflétait plus la réalité de la pratique infirmière, désormais plus autonome et clinique.
Répondre à la désertification médicale
Affirmer la reconnaissance professionnelle
Il consacre le rôle clinique, le raisonnement autonome, et l’expertise des infirmiers en tant qu’acteurs à part entière du système de santé
Depuis 2004, avec le fameux "décret d’actes", les compétences infirmières sont restées enfermées dans une législation restrictive, incapable de prendre en compte leur rôle croissant dans les soins primaires. Face au vieillissement de la population (prévisions de 20 millions de + 65 ans en 2050) et à la pénurie de médecins, la profession infirmière est appelée à mieux répondre aux besoins de santé. L’infirmier(e) libéral(e) n’est plus simplement un exécuteur technique : il est acteur, coordinateur, éducateur au quotidien.
Cette proposition est présentée en décembre 2024 par les députés, la proposition a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée le 10 juin 2025, après accord en commission mixte paritaire (CMP), témoignant d’un accord.
La CMP a homogénéisé le texte entre Assemblée et Sénat, fixant les grandes lignes : missions fondamentales, autonomie clinique, IPA, rémunération, évaluation, spécialités. Le Sénat a adopté à l’unanimité le texte définitif le jeudi 19 juin 2025, ouvrant la voie à sa promulgation dans les jours suivants.
Dans le Code de la santé publique, les infirmiers sont désormais habilités à assurer :
Les infirmier(e)s pourront désormais prescrire de manière autonome les produits et examens nécessaires aux soins (pans → dispositifs médicaux, etc.), la liste étant fixée par arrêté ministériel après avis de la HAS et de l’Académie de médecine
Une expérimentation de 3 ans dans 5 départements va permettre aux patients de consulter directement un infirmier, avec prise en charge par l’assurance maladie, sans ordonnance médicale. Un compte rendu sera automatiquement adressé au médecin traitant
La loi prévoit l’ouverture, dès sa promulgation, de négociations conventionnelles sur les rémunérations, intégrant la pénibilité et les nouvelles responsabilités (consultation, téléconsultation, actes libéraux...)
Des syndicats, comme la FNI, attendent des engagements concrets, notamment une revalorisation des actes et primes liées à la pénibilité, des points jugés cruciaux pour ne pas transformer cette avancée en marché de dupes !
Depuis plusieurs années, les infirmiers français dénoncent un décalage important entre leurs responsabilités croissantes et une rémunération jugée insuffisante, surtout comparée aux autres pays européens ou à d'autres professions de santé.
La loi du 27 juin 2025, en reconnaissant de nouvelles compétences juridiques à la profession (consultation, diagnostic, prescription, coordination, recherche, prévention, etc.), a consacré une obligation formelle d'ouvrir une négociation salariale dédiée à cette revalorisation.
L'article 8 de la loi précise :
"Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement engage une concertation nationale relative à la revalorisation des rémunérations des infirmiers, en tenant compte :
De la montée en compétence reconnue légalement ;
De la pénibilité de certains lieux d’exercice (urgence, nuit, psychiatrie, soins à domicile, etc.) ;
Des spécificités du secteur public et privé, notamment en libéral."
Revalorisation du socle de rémunération :
Une harmonisation des grilles salariales dans la fonction publique hospitalière (FPH), notamment pour mieux valoriser l’expérience, les diplômes complémentaires, et la pénibilité.
Un objectif : rapprocher les salaires français de la moyenne européenne, actuellement inférieure de 15 à 30 % selon l'OCDE.
Codification des actes infirmiers autonomes :
Création d’une nomenclature spécifique pour les nouveaux actes infirmiers : diagnostic, consultation, suivi.
Cela permettrait aux infirmiers libéraux d’être indemnisés directement sans passer par des prescriptions médicales, comme le font les sages-femmes ou les kinés.
Primes et indemnités :
Revalorisation ou création de primes spécifiques :
Une prime d’engagement en zone sous-dotée,
Une prime pour l’exercice de pratiques avancées,
Une prime liée à la coordination en EHPAD ou établissement médico-social.
Arrêtés pour définir la liste des prescriptions infirmières (HAS/Académie de médecine),
Décrets pour préciser l’expérimentation d’accès direct (modalités, départements pilotes), attendus à l’automne 2025 avec démarrage courant 2026,
Réingénierie des formations IFSI/master dès l’été 2025, avec entrée en vigueur prévue pour 2026,
Les décrets d’application, la formation, les négociations conventionnelles, et surtout l’évaluation concrète sur le terrain, seront déterminants pour transformer cette promesse en apports tangibles pour la profession et les usagers.